2 questions à… Denis Delestrez

2 questions à… Denis Delestrez

Monsieur Delestrez, vous gérez différentes activités dont l’exploitation forestière, vous avez activement participé au salon Terre en Fête en juin 2022 en mobilisant des salariés, des équipements et en animant vous même une partie du “village bois et forêt”, pourquoi ?

On considère trop les métiers du bois, de la forêt, comme des métiers peu qualifiés alors que ce sont de beaux métiers, en extérieur, exigeants car physiques mais aussi car de plus en plus techniques, qui demandent un esprit d’analyse, de la rigueur, d’intégrer des exigences environnementales du plus en plus sévères. Il y a une nécessité de monter en compétences pour garantir une exploitation de qualité et cela passe par la formation, par des efforts sur l’attractivité de ces professions, par la communication.
Les métiers de l’exploitation forestière et des travaux forestiers ont besoin d’être valorisés. La profession manque de jeunes, de talents. De nombreux postes sont à pourvoir, on entend parler que de ça, de la difficulté à recruter. Les métiers du bois ont considérablement évolué, les salaires également, ce sont plus que jamais des métiers d’avenir.
Il y a besoin de bien communiquer sur ces métiers, de les promouvoir, besoin que l’interprofession continue ce travail, avec l’appui des professionnels. Terre en Fête est l’occasion de sensibiliser les jeunes, mais il faut aussi continuer à mobiliser les jeunes dans les écoles.

Alors qu’on qualifie la France de pays le plus autonome en bois énergie, dans ce contexte de hausses tarifaires de l’énergie, quel est votre ressenti aujourd’hui ?

Avec l’évolution des prix de l’énergie, on sollicite davantage et plus brutalement les chaufferies que les années précédentes. Des nouveaux projets de chaufferies biomasse sont en cours et pourraient voir le jour ces prochaines années. Le secteur continue donc sa croissance chaque année. La ressource est bien là d’après les inventaires. Cette année les conditions climatiques ont été très favorables à la récolte de bois énergie, il a fait très longtemps un temps sec. Les bois exploités ont pu sortir des coupes au fur-et-à-mesure.

Mais malgré cette situation très favorable, le marché est très tendu, peu importe la taille de l’entreprise. Le stockage décrié de certains très gros industriels de l’énergie semble également subir ces tensions, voire les renforcer chez leurs homologues plus petits. On bascule vers une situation temporaire de manque de bois énergie car les entreprises forestières sont à saturation de leurs capacités. On approche d’un seuil critique car le besoin est immédiat alors que le bois énergie se récolte un peu toute l’année, est séché, puis commercialisé l’année suivante selon les produits. Les entreprises sont à saturation également car la main d’oeuvre manque pour augmenter les capacités de production, et la concurrence est forte sur les marchés des bois. De gros panneautiers se sont approvisionnés, plus qu’à l’accoutumé afin de s’assurer de pouvoir passer l’hiver. La Belgique est davantage autoconsommatrice qu’exportatrice cette année. De fausses pénuries se créent mais pour les professionnels, la question de la disponibilité de la ressource se pose à nouveau. Néanmoins, ce que je ne connais pas, ce sont d’une part les bouleversements qui pourraient arriver pour les industries du panneau à cause du prix de l’énergie, l’inflation, la guerre en Ukraine, et d’autre part les stocks qui ont été constitués par tous les industries et qui seraient finalement à l’origine des tensions actuelles ! Nous avons vu les magasins dévalisés des pâtes ou de papier toilette au début du covid… C’est l’inquiétude qui a créé la pénurie durant une période.

 

Témoignage de Denis Delestrez, gérant de l’entreprise Delestrez basée à Fleurbaix (62), spécialisée dans les travaux agricoles, les travaux forestiers et le transport de marchandises.